Interview d’Amaury Bouchard, créateur de Pandocréon Menhir
    Interview d’Amaury Bouchard, créateur de Pandocréon Menhir
    Amaury Bouchard, créateur de Pandocréon Menhir

    Faites-vous un commentaire et consignez votre parcours?

    Amaury Bouchard: Je suis un franco-québécois, installé en région parisienne.
    Je suis informaticien, directeur technique d’une entreprise que j’ai participé à créer il ya 5 ans.
    Je suis musicien amateur, je joue de la basse 6 cordes dans un groupe de métal progressif qui a sorti un album il ya 2 ans.
    Je suis le fier papa d’une petite fille de 3 ans.

    Êtes-vous un grand joueur de jeux de société? Quels sont vos jeux préférés?

    R: À une époque je jouais à pas mal de jeux de société. Mes jeux en ligne ont été assez variés. Quelques gros jeux, comme Les chevaliers de la table ronde. Mais aussi pas mal de petits jeux: Méga Blast, Perudo, Jungle Speed ​​…
    J’ai toujours privilégié deux aspects: Le côté social des «jeux d’apéro», qui font qu’on rigole et qui se sont bien envoyés entre amis. Et les jeux qui font sentir un souffle épique, d’une manière plus simple que les jeux de rôle, je jouais être jeune mais pour qui je n’ai plus le temps.

    J’ai aussi été un gros joueur de Magie à la fac, comme beaucoup de monde.

    Étiez-vous un joueur avant votre création?

    A: Régulier, oui. Pas un très gros joueur, mais un joueur régulier, oui.

    Votre jeu « Pandocréon Menhir » était au concours Trophée Flip Créateur en 2005, vous pouvez nous dire quelques mots? Commentaire avez-vous cette expérience?

    A: L’expérience du FLIP a été incroyable. J’ai rencontré d’autres créateurs de jeu, ce qui amène toujours des échanges passionnés. L’accueil du public a été formidable.

    Pourquoi avoir choisi le Flip pour présenter votre création en concours?

    A: Je connaissais déjà le FLIP, en tant que joueur. Je connais l’ambiance particulière de Parthenay. Une ville entière qui vit pour les jeux, ce n’est pas banal.

    Je savais aussi que c’était le public qui votait pour les jeux qui concourraient pour le Trophée des créateurs. On peut dire ce qu’on veut, mais quand un jeu est bon, il est possible de créer un engouement populaire. Et donc, à Parthenay, je savais que si mon jeu était aussi bon que je le pensais, il aurait la possibilité de toucher un grand nombre de joueurs. C’est plus difficile dans les concours dont le jury est composé d’experts, dont les critères sont parfois difficiles à cerner. Quand on s’adresse directement au public des joueurs, l’équation est simple : si le jeu est bon, s’il est intéressant, si les gens s’amusent autour de la table, vous le savez immédiatement.

    Ce sentiment s’est en fait renforcé l’année suivante. Deux créateurs de jeu ont mis en place un stratégie de communication très efficace (pour ne pas dire agressive). Je n’ai pas de problème avec ça, ayant moi-même utilisé un poster, des t-shirts personnalisés et des tracts, pour faire connaître mon jeu. Mais là, les deux jeux en question n’étaient pas les meilleurs. Au final, c’est effectivement le meilleur jeu qui a remporté le Trophée FLIP en 2006, malgré le fait que son créateur n’ait pas fait de “publicité”, malgré que sa table de jeu soit tout au fond de la tente, là où il fait le plus chaud. Les joueurs ont aimé, ils ont voté pour lui.

    De cette aventure au Flip, est-ce que des éléments déclencheurs se sont fait jours pour entrevoir l’édition et la commercialisation de votre jeu ?

    A : Le plus important est la couverture médiatique de l’événement. L’information est reprise et diffusée par les médias ludiques (principalement sur Internet), et comme le monde du jeu français est assez petit, cela se fait savoir très rapidement.

    Un jeu qui gagne un concours a forcément des qualités. C’est une bonne carte de visite lorsqu’on présente son jeu à des éditeurs. Pour ma part, j’ai même été contacté directement par des éditeurs suite au Trophée FLIP.

    Pandocréon Menhir, un jeu de Amaury Bouchard, présent sur les Trophées FLIP Créateurs

    Comment vous est venue l’idée de votre jeu ? Combien de temps avez-vous mis à le concevoir et quelles étaient vos motivations ?

    A : La création ludique s’est faite naturellement pour moi. Plus jeune j’avais créé des jeux de rôles. J’ai toujours joué à des jeux de société, mais c’est vrai qu’à une époque cela s’est un peu intensifié.

    L’idée de Pandocréon Menhir a germé toute seule dans mon esprit. Les légendes bretonnes m’avaient toujours fasciné, plus particulièrement les korrigans et les “pierres levées”. Et les mécanismes de jeu me sont apparus peu à peu. La rencontre des deux m’a amené très vite à imaginer le jeu tel qu’il a été présenté à Parthenay.

    Je n’avais pas de motivation particulière. La création a quelque chose d’artistique, qu’il s’agisse de musique, de dessin, de jeu de société, de programmes informatiques, … Elle n’a pas besoin de justification, c’est un moteur interne qui nous pousse à faire quelque chose sans raison apparente.

    Quelles ont été les étapes de la création du jeu ?

    A : Une fois que les bases des mécanismes internes ont décanté dans ma tête, je fais un premier prototype pour pouvoir m’imaginer en situation de jeu. Cela permet de dégrossir les premiers aspects.

    Ensuite, à force de tester le jeu, on affine ses différents éléments. Une fois qu’on obtient quelque chose de satisfaisant, il est alors temps de réfléchir aux aspects cosmétiques, comme l’écriture des règles ou la définition d’éléments de jeu (jetons, cartes, etc.).

    Avez-vous fait tester votre jeu à votre famille, par des amis, une association, des spécialistes ?

    A : Les premiers testeurs sont évidemment les membres du cercle familial.

    J’ai réalisé de nombreuses parties de test à la ludothèque de Lieusaint. Il est important de se confronter aux avis d’un grand nombre de joueurs. Il y a deux écueils qu’il faut savoir éviter : Rester persuader qu’on a raison, même quand une majorité de joueurs expliquent qu’un point de détail pose problème ; écouter tous les avis, quel que soit le profil des testeurs, et essayer de faire un jeu qui convienne à tous.

    Vous êtes édité ou autoédité, pouvez-vous nous raconter cette aventure ? Comment vous êtes-vous rapproché de cette maison d’édition ?

    A : Notre cas est un peu particulier. Je voulais porter mon jeu aussi loin que je pouvais le faire par moi-même. Avec ma femme, nous avons créé une association, et c’est dans ce cadre que nous avons réalisé une microédition (environ 500 boîtes) de Pandocréon Menhir. Ça a été pour nous une expérience très enrichissante. Nous avons produit quelque chose dont nous sommes fiers, même après plusieurs années. Le jeu était bon, l’objet devait être beau. Nous avons rencontré de très beaux succès, aussi bien en terme d’estime qu’en terme de nombre de ventes, sur les quelques salons et festivals ludiques où nous nous sommes rendus. De très nombreuses personnes ont joué au jeu. Nous avons même eu la surprise de voir qu’une association de joueurs de Saint Marcel avait fabriqué une version géante du jeu.

    Toutefois, le but était de faire en sorte qu’un éditeur classique prenne le relais. Après avoir remporté le Trophée des créateurs à Parthenay, je suis entré en contact avec plusieurs éditeurs français (les plus importants et quelques autres). La discussion a été très avancée avec certains. Malheureusement, la période 2006-2007 a été foisonnante en terme de nouveaux jeux ; le marché a vraiment explosé à cette époque. Et mon jeu, qui reste un petit jeu rapide qui ne peut pas se vendre très cher, ne faisait pas partie des priorités de ces éditeurs ; pour la plupart, ils étaient au contraire en train de développer des gammes de jeux plus gros, plus longs, plus chers.

    Le temps passant, l’effet du Trophée FLIP s’est estompé. J’ai moi-même créé une entreprise en 2007, je n’avais alors plus de temps à consacrer à mon association, et j’ai arrêté de démarcher les éditeurs.

    C’est ainsi que Pandocréon Menhir est désormais un jeu collector. Mais en n’ayant pas ménagé mes effort, en ayant fabriqué 500 exemplaires de qualité, je n’ai aucun regret.

    Est-ce que vous avez d’autres projets de jeux en cours ?

    A : J’ai toujours beaucoup de projets en cours. Mais entre la vie professionnelle et la vie de famille, la création ludique est maintenant en sommeil depuis quelques années.

    Il y a toutefois un projet que j’ai entamé après le succès de Pandocréon Menhir, dont le but était de créer un jeu qui se serait situé à la croisée des chemins entre jeux de société, jeux de rôles, jeux de figurines et jeux de cartes à collectionner. Je suis passé assez près de relancer ce projet l’année dernière, par la création d’une entreprise qui se serait chargée d’en faire une adaptation vidéo ludique sur le web. Finalement cette création ne s’est pas faite ; mais je garde dans l’esprit de faire avancer cette idée sous une forme ou une autre.

    Quels conseils pouvez-vous donner aux personnes qui souhaitent créer des jeux ?

    A : Ne pas réinventer la roue. Vous n’imaginez pas le nombre de clones du Monopoly ou de Magic qui m’ont été présentés ces 7 dernières années. Une certaine culture de l’univers ludique est nécessaire pour ne pas recréer ce qu’on connait déjà. Le marché des jeux de société est déjà saturé de très bonnes réalisations, si vous créez un jeu il faut vraiment qu’il apporte quelque chose de nouveau.

    Ensuite, il faut tester, encore, encore et encore. Un jeu n’est pas parfait au premier jet, et il faut le polir pour éliminer ses défauts.
    Il faut éviter de se lancer dans un projet trop ambitieux, qui n’aura pas beaucoup de chance d’aboutir. Il vaut mieux faire un très bon petit jeu qu’un gros jeu avec du potentiel mais qui reste bancal. Il faut être à la fois humble et ambitieux.

    Avez-vous des conseils pour ceux qui créent leur jeu ?

    A : Les ludothèques sont des endroits formidables. Il faut les fréquenter, jouer aux jeux qui y sont proposés et faire appel aux joueurs pour tester vos créations.

    Ne vous prenez pas la tête à essayer de “protéger” votre œuvre. Oubliez tout ce qui est enveloppe Soleau, dépôt de marque, de dessins ou de brevets. C’est une perte de temps infinie : Si quelqu’un veut copier votre jeu, il n’en recopiera pas la règle mot à mot, il le fera intelligemment et vous n’y pourrez pas grand-chose.

    Alors faites connaître votre jeu. Envoyez-le aux ludothèques. Présentez-le aux concours de création ludique. Faites-le jouer dans des festivals. Il y aura rapidement une masse critique de personnes qui connaîtront votre jeu, et si quelqu’un s’amuse à vous le voler, il ne passera pas inaperçu.

    Pendant que vous y êtes, pensez aux licences libres. Pour plus d’information sur ce sujet : http://pandocreon.org/philosophie/

    Un dernier mot ou remarque “libre” ?

    A : La création d’un jeu, c’est comme la création d’une entreprise ou une relation amoureuse, il faut y mettre de la simplicité, de la communication et de la passion.

    Soyez passionné par les jeux, et passionné par votre jeu. C’est cette passion qui va vous faire passer des heures à améliorer votre création, c’est cette passion qui va vous pousser à sillonner le pays pour le faire découvrir. Si vous n’êtes pas certain d’être vraiment passionné par la création de jeu, économisez votre temps et trouvez quelque chose qui alimentera votre flamme.

    Communiquez efficacement. Avec vos testeurs d’abord, pour prendre leurs avis en considération. Avec vos premiers joueurs ensuite, pour véhiculer votre passion. Avec les éditeurs enfin, pour leur présenter votre jeu à sa juste valeur.

    Faites toutes vos actions avec simplicité. Ne cherche pas le midi à quatorze heure. Un jeu doit être simple sans être simpliste; s’il est facile à comprendre, il n’en sera plus immersif. Soyez simple dans la mise en page de vos règles, pour qu’elles soient faciles à lire. Soyez simple dans toutes vos communications, pour rester intelligible. Soyez clairs dans vos buts (amuser les joueurs? Gagner de l’argent avec votre jeu?).

    Merci d’avoir accepté de répondre à nos questions

    Etienne Delorme – 03 janvier 2013


    Pour plus d’information sur le jeu :