Pouvez-vous vous présenter brièvement ?
Romaric Galonnier : J’ai 34 ans et je vis dans la région toulousaine. Je suis auteur de jeux depuis 2011.
Êtes-vous un grand joueur de jeux de société ? Quels sont vos jeux préférés ?
RG : Je dirai un grand joueur tout court, parce que je pratique toujours les jeux vidéos de temps en temps (Hearthstone en particulier pour ceux qui connaissent), et je peux même prendre du plaisir à regarder des jeux télévisés !
Que celui qui n’a pas vibré devant une partie de Motus me jette la première pierre 🙂
Parmi mes jeux de société préférés, il y a des jeux à 2 joueurs comme Kahuna ou Claustrophobia, et des jeux qui demandent une certaine réflexion mais sans durer des heures comme Libertalia, 7 Wonders, Splendor, Carcassonne… et Medieval Academy bien sûr, si je ne le cite pas je vais me faire mordre les mollets par le chien bleu !
Étiez-vous un joueur régulier avant votre création ?
RG : Oui ! Mon premier haut fait ludique a été de remporter un tournoi de Puissance 4 organisée dans mon école quand j’étais en CM2. J’ai connu la période de la revue Jeux & Stratégie, avec ses jeux de plateau placés en encart, des jeux souvent de grande qualité faits avec quelques bouts de carton.
Et quand j’étais ado, j’ai fait d’innombrables parties d’Armada, de Hero Quest, d’Abalone.
J’ai replongé dans le jeu de société plus tard avec des jeux comme Camelot, Citadelles et Time’s up, puis j’ai écumé la plupart des associations de jeux sur Toulouse : Ludimonde, Akrojeux, Terre de jeu et maintenant le Buena Partida Social Club. On a la chance d’avoir une vie associative très dynamique sur Toulouse, le Festival Alchimie du jeu qui se tient tous les ans grâce à des centaines de bénévoles en est la preuve.
Plus récemment, j’ai été à l’origine d’un collectif d’auteurs de jeux, le MALT (le Mouvement des Auteurs Ludiques Toulousains), qui regroupe maintenant une bonne vingtaine d’auteurs de toute la région, et qui a permis de mieux faire connaître la « scène toulousaine ». Il va falloir s’habituer à entendre parler des auteurs toulousains !
Votre jeu « Casting » était au concours Trophée FLIP Créateur en 2014, pouvez-vous nous en dire quelques mots ? Comment avez vécu cette expérience ?
RG : Le fait d’être sélectionné est déjà une réussite en soi, parce qu’il faut que le jeu attire suffisamment l’attention du jury (il y avait 127 jeux participants l’année dernière si ma mémoire est bonne).
Ce concours a été pour moi une très belle expérience. D’ailleurs le FLIP est le festival le plus agréable que je connaisse, c’est celui qui a le plus le parfum des vacances !
Mon jeu, présenté à l’époque sous le titre « Stéréotypes et préjugés », a remporté le prix du jury en catégorie Divertissement, donc ça a été une grosse satisfaction personnelle de repartir avec le trophée.
A cette occasion j’ai aussi eu la chance de rencontrer plein de gens sympathiques, en particulier les autres auteurs sélectionnés dans ma catégorie : Antonin Boccara, Tiago Damey et Charles Bossart dont on entendra bientôt parler, j’en suis sûr !
Pourquoi avoir choisi le FLIP pour présenter votre création en concours ?
RG : J’avais participé au FLIP en 2013 en tant que festivalier, et le prototype de « Casting » que je faisais tourner au off avait déjà attiré l’attention. Le présenter l’année suivante au concours, c’était donc une manière de boucler la boucle, comme on dit dans le langage sportif.
Le FLIP, c’est aussi un jury composé de professionnels et de spécialistes du monde du jeu, ce qui donne une valeur toute particulière aux prix attribués. Confronter son jeu au jury et au public du FLIP, c’est forcément enrichissant.
Comment vous est venue l’idée de votre jeu ? Combien de temps avez-vous mis à le concevoir et quelles étaient vos motivations ?
RG : L’idée du jeu m’est venue lors d’une soirée où je voyais des gens jouer au « Qui est-ce ? » dans une variante (non officielle !) qui interdit de poser des questions sur le physique des personnages. Et comme je trouvais ça très drôle, le fait de confronter la subjectivité et les préjugés des joueurs, j’ai conservé le principe du jeu en essayant de trouver un moyen de le rendre jouable à plusieurs.
Dit comme ça, ça a l’air très simple, mais le jeu a demandé quand même près d’un an de développement avant d’arriver à sa version définitive. Beaucoup de tests, de versions successives, de sang, de sueurs et de rires !
Avez-vous fait tester votre jeu à votre famille, par des amis, une association, des spécialistes ?
RG : J’ai effectivement fait tester le jeu à différents types de public. Pour avoir des retours objectifs, il vaut mieux ne pas se cantonner aux tests entre amis ou avec la famille. Les festivals et les associations de joueurs ont été de bonnes occasions pour mettre le jeu à l’épreuve.
Vous êtes édité par Blue Cocker et In Ludo Veritas, pouvez-vous nous raconter cette aventure ?
RG : Cette première expérience de travail avec des éditeurs a été très positive. J’ai été associé au développement tout au long du processus. Les règles n’ont quasiment pas été modifiées, par contre on a eu pas mal d’échanges à propos du thème avec Alain Balay et Christophe Hermier.
Les illustrations ont été un autre gros chantier. Il nous fallait une centaine de visages, tous différents, pouvant suggérer plusieurs choses à la fois. Ça n’a pas été une mince affaire pour Olivier Fagnère, l’illustrateur, qui a dû modifier les visages issus d’un premier jet. Il était parti sur un style plutôt bande-dessinée, et on a finalement opté pour un style plus réaliste qui ajoute de la profondeur dans les portraits et permet donc une rejouabilité plus grande. Les illustrations ont demandé 3 mois de travail en tout. Tout ça dans la détente et la bonne humeur, malgré la pression du calendrier car on espérait une sortie officielle pour le festival de Cannes.
Est-ce que vous avez d’autres projets de jeux en cours ?
RG : J’ai actuellement deux jeux en cours d’édition, l’un avec Old Chap (Rimtik, Gobb’it, Onk-Onk) et l’autre chez Cocktail Games, à paraître tous deux en début d’année prochaine. Comme ça reste dans le domaine du jeu d’ambiance, j’imagine que je vais vite être catalogué comme « party gamer » ! Et pourtant je ne me limite pas à ce type de création… mais j’ai l’impression que j’ai plus de succès dans ce domaine-là. Mon style en tant qu’auteur s’oriente donc de plus en plus vers des jeux basés sur la communication, l’interprétation et le guessing.
Quels conseils pouvez-vous donner aux personnes qui souhaitent créer des jeux ?
RG : Le travail de game designer demande une bonne dose d’humilité ; il faut beaucoup de temps et de remises en question avant d’arriver à produire un bon jeu. Pour ma part j’ai des dizaines de prototypes de jeux qui ont fini dans des cartons parce qu’ils n’étaient vraiment pas aboutis, et je me rends compte que maintenant, avec un peu plus d’expérience, j’arrive mieux à sélectionner les idées intéressantes et je ne passe à la réalisation d’un prototype que lorsque le principe du jeu est clairement établi – les règles sont parfois même déjà écrites.
Je conseille de se pencher un peu sur la bibliographie qui existe autour du game design. Il y a principalement des publications en anglais, mais en français on a la chance d’avoir L’Art du game design : 100 objectifs pour mieux concevoir vos jeux de Jesse Schell, un très bon livre qui amène à se poser beaucoup de questions, c’est vraiment intéressant.
Il faut arriver à prendre du recul par rapport à son jeu, se dire qu’il peut toujours être amélioré, et tirer le maximum d’enseignements de chaque session de tests – sans espérer que les testeurs trouvent spontanément les solutions aux problèmes qui se posent, ça serait trop beau ! Je crois aussi qu’il faut arriver à trouver le type de jeux qui nous correspond le plus en tant que designer, qui peut être différent du type de jeux auxquels on préfère jouer, et assumer son style au maximum.
Un dernier mot ou remarque “libre” ?
RG : Longue vie au FLIP, et félicitations aux sélectionnés de cette année !
Merci d’avoir accepté de répondre à nos questions
Etienne Delorme – 03 juin 2015