Pouvez-vous vous présenter brièvement et décrire votre parcours ?
Romain Claude : Je suis l’initiateur du projet Splasher ainsi que la personne en charge du game design (conception des règles du jeu et des niveaux que le joueur va parcourir), de la programmation (élaboration du code informatique), du son, ainsi que la communication autour du jeu (organiser notre présence sur les salons, discuter avec la presse, parler du jeu sur les réseaux sociaux etc.). Je réalise Splasher avec un ami Graphiste rencontré à l’école : Richard Vatinel, alias “Gromy”.
Passionné de jeu vidéo et particulièrement enthousiaste à l’idée de créer les miens, je me suis lancé en 2004 dans un DUT d’informatique, juste après mon bac. Cela m’a apporté de précieuses bases en programmation, bases qui me permettaient déjà à l’époque de commencer à créer mes propres jeux. Par la suite, en parallèle de mon approche assez autodidacte du métier, je me suis tourné vers l’école Supinfogame à Valenciennes. Son cursus axé sur le game design et la gestion de projet m’a aidé à me professionnaliser un peu plus, et donc à mettre plus de chances de mon côté pour intégrer de vrais studios. En sortant de l’école j’ai décroché un premier job de game designer chez Ubisoft à Montpellier, boîte dans laquelle j’ai eu la chance de travailler sur différents jeux entre 2008 et 2012 (Les Lapins Crétins : La Grosse Aventure, Rayman Origins, Rayman Legends … ). Il y’a même eu un crochet par Ubisoft Singapour en 2010. On peut donc dire que je fais partie de la génération d’indés français qui ont fait leurs armes chez Ubi, avant de voler de leur propres ailes avec des projets plus personnels. Après un an de pause, en Septembre 2013 je me suis lancé dans les premiers prototypes de ce qui est devenu Splasher. Je travaille aussi en ce moment avec le studio montpellierain Swing Swing Submarine sur un autre jeu : Seasons After Fall.
Êtes-vous un grand joueur de jeux vidéo? Quels sont vos jeux préférés ?
R : Oui bien sûr, c’est la base. Imagine un chef cuisto qui n’aime pas manger … triste.
Je joue depuis mes 7 ans environ, à savoir depuis mon tout premier contact avec un jeu vidéo, Super Mario Bros 1. Ce fut le coup de foudre immédiat, et en quelque sorte ce qui allait guider ma vie par la suite. Disons qu’il y’avait la vie d’avant, sans les jeux vidéo, puis la nouvelle qui gravite beaucoup autour de cette passion. Malheureusement (et je pense que c’est le cas de 99% des créateurs de jeux), je joue beaucoup moins depuis que je suis parti du Lycée avec ce rêve de créer des jeux, un rêve qui implique de beaucoup travailler …. Il y’a un équilibre à trouver pour rester passionné, ce qui n’est pas toujours facile.
En tant que joueur et créateur je teste beaucoup de choses, je suis très curieux. Certes une partie de mon passif de joueur a été bercé par les jeux de plateforme (Mario, Crash Bandicoot …), d’ailleurs les Rayman en sont et Splasher en est un également. Disons que c’est un peu mon fil rouge. Mais je suis également très friand de jeux « jouet », ou « bac à sable » comme on a tendance à les appeler, à savoir des jeux dans lesquels le joueur joui d’un panel d’interaction riche et d’un champ d’expérimentation suffisant pour se créer ses propres objectifs, s’amuser librement comme il pourrait le faire avec des legos ou des petites voitures … J’ai d’ailleurs souvent eu tendance par le passé à rechercher ce plaisir des nuits entières durant, même dans des jeux qui n’étaient pas fait pour ça à la base. Puis enfin, j’ai de manière générale une affinité pour tout ce qui attrait à l’arcade et l’action, à savoir les jeux qui vont faire la part belle à l’adresse et au scoring, plutôt que d’autres genres de jeux plus orientés vers la simulation ou les expériences narratives, entre autres.
Votre jeu « Splasher » était au concours Trophée FLIP Jeux-vidéo en 2015, pouvez-vous nous en dire quelques mots ? Comment avez vécu cette expérience ?
R : Nous avons été très bien accueillis par l’équipe en charge de l’organisation de FLIP, notamment Etienne Delorme qui supervisait la partie jeu vidéo et qui a accompli un travail remarquable . Nous disposions d’un espace plutôt vaste au sein du palais des congrès pour rencontrer le public, espace climatisé de surcroît (en été c’est tout de même plaisant !). Des grandes affiches à l’effigie de notre jeu nous ont été offertes pour attirer les regards, et nous étions nourris / logés pendant les 3 jours d’exposition.
Que demander de plus ?
Le FLIP n’étant pas historiquement un festival de jeux vidéo, nous avons été agréablement surpris par son entrée en la matière. Ce n’est certes pas l’E3, mais nos échanges avec les joueurs furent plus nombreux que ce que nous imaginions. Enfin, là où la rencontre avec le public reste pour nous le plus important, le concours nous apporte aussi le précieux regard de professionnels. C’est toujours un plaisir d’échanger avec ses pairs, d’autant plus que le jeu semble leur avoir beaucoup plu. C’est le genre de moment qui re-boost la motivation, là où elle a parfois tendance à faillir sur les projets un peu longs.
Pourquoi avoir choisi le FLIP pour présenter votre création en concours ?
R : Nous avons découvert l’existence du festival l’année dernière, par le biais d’un ami lui aussi développeur de jeux. Nous cherchons constamment à donner au jeu le plus de visibilité possible, et la participation au FLIP rentrait dans cette démarche. C’était la première fois que nous venions au festival donc Il s’agissait aussi d’un repérage. Nous souhaitions que le festival nous permette d’échanger beaucoup avec le public, sans trop savoir si le lieu s’y prêtait vraiment. Mais comme mentionné un peu plus haut, nous n’avons pas été déçu.
De cette aventure au FLIP, est-ce que des éléments déclencheurs se sont fait jours pour entrevoir l’édition et la commercialisation de votre jeu ?
R : Non pas spécialement, du fait que cela était déjà prévu.
Comment vous est venue l’idée de votre jeu ? Combien de temps avez-vous mis à le concevoir et quelles étaient vos motivations ?
R : Il n’y a pas eu de déclic à proprement dit, mais plutôt l’envie de développer un premier jeu en total indépendance. Je souhaitais faire appel à mon expérience de game designer, mais avec le loisir de l’utiliser comme bon me semble. J’aime beaucoup l’idée de revisiter des genres connus avec des approches inédites, des « twists ». En partant de là je me suis mis à faire joujou avec le moteur Unity, pour voir ce que je pouvais bien faire de marrant avec.
Splasher est donc le fruit de l’élaboration de nombreux prototypes techniques dont la raison d’être était seulement d’être amusants et originaux, sans chercher à rentrer dans le cadre d’un jeu au concept arrêté à l’avance. Quelques mois plus tard, dés lors qu’il était acquit que nous partirions sur un jeu de plateforme dans lequel le joueur utilise de la peinture pour progresser, nous avons commencé à envisager la réalisation du jeu dans son entièreté avec un objectif de commercialisation. Dès lors le projet a pris de l’ampleur et nous nous sommes quelque peu laissé dépasser par nos ambitions : De 1 année prévu à la base nous sommes passés à 2, puis bientôt 3 … Nous avons fait un certains nombres d’erreurs de jeunesse, mais le principal c’est que nous soyons fier du résultat. Il faut savoir que dans l’industrie plus classique, les délais poussent beaucoup de studios à bâcler leur productions. Nous ne souhaitons pas bâcler Splasher et nous prendrons le temps qu’il faut pour le terminer.
Avez-vous fait tester votre jeu à votre famille, par des amis, une association, des spécialistes ?
R :Nous avons énormément fait tester le jeu tout au long de sa création, à de nombreuses personnes (sur des stand de salons, via des sessions organisées chez nous, des parties improvisées dans des bars etc.). Le « playtest » comme on l’appelle (en opposition au « test » qui a pour seul but de dénicher les bugs), est d’une importance capitale pour fournir une expérience de qualité. En effet c’est grâce aux nombreux retours, récoltés régulièrement, que nous sommes en mesure d’améliorer le jeu.
Vous êtes distribué sur console ou autre ?
R : Le jeu sortira sur PC et consoles, sans plus de précisions pour le moment (des discussion sont en cours). Ce qui est sûr c’est que nous allons devoir nous frotter à l’exercice du portage incessamment sous peu, à savoir adapter le code du jeu pour le faire tourner sur différentes machines. J’appréhende beaucoup cette épreuve …
Est-ce que vous avez d’autres projets de jeux en cours ?
R : En parallèle de Splasher je travail sur un autre jeu pour le compte du studio Swing Swing Submarine : Seasons After Fall. Il s’agit ici d’une prestation dont la mission est d’élaborer les contrôles du personnage ainsi que le système de caméras. Comparé à Splasher, mon investissement sur cet autre jeu est moindre, mais je suis très content de participer à cette aventure !
Quels conseils pouvez-vous donner aux personnes qui souhaitent commercialiser des créations de jeux-vidéo ?
R : Soyez curieux et persévérants, bougez vous, touchez à toutes les disciplines même si vous voulez vous spécialiser plus tard. Faites, apprenez, apprenez en faisant, sans relâche … à partir de là dites vous qu’absolument tout est possible 😉
Avez-vous des conseils pour ceux qui créent leur jeu vidéo ?
R : N’oubliez pas de jouer !
Un dernier mot ou remarque “libre” ?
R : Cucurbitacée.
Merci d’avoir accepté de répondre à nos questions
Etienne Delorme – 15 mars 2016