La genèse de “Trésor à Double Tour” – Chronique #JEUTravaille
    La genèse de “Trésor à Double Tour” – Chronique #JEUTravaille

    La Chronique #JeuTravaille s’attache à valoriser les pratiques du jeu dans le travail des différents acteurs du territoire Parthenay-Gâtine. Et le jeu est partout, même au Service Patrimoine !

    Bonjour Vincent,

    Qui êtes-vous ? Et c’est quoi le « Trésor à Double tour » ?

    Je suis Vincent Théllière, guide conférencier du service patrimoine de la Communauté de communes de Parthenay-Gâtine. Le Trésor à Double Tour est un Escape Game que nous avons développé en 2019 pour la saison estivale et inauguré dans le cadre du FLIP, puis qui a perduré tout l’été sur le site du château de Parthenay. C’était un élément patrimonial qui était sous utilisé, sous valorisé en tant que tel, et l’occasion faisant le larron, nous avons décidé de lui redonner vie le temps d’un Escape Game.

    Comment vous est venue l’envie et l’idée de produire un jeu d’évasion patrimonial ?

    Ça part d’un double constat, du fait que nous avons le FLIP (Festival Ludique International de Parthenay), et que nous avons une saison estivale de manière plus large où nous concentrons un maximum de nos animations : visites, randonnées, ateliers pédagogiques… mais que nous n’avions pas une offre « marketée » qui puisse être dirigée vers le public cible du FLIP. Donc un public peut-être de Gamers, un peu plus jeune et qui soit peut-être moins sensible à des questions de patrimoine. Donc le but était d’utiliser un biais ludique pour essayer d’approcher un public qui jusqu’à présent n’était pas notre cœur de cible.

    Donc avec mon collègue Benjamin Gilbert nous nous sommes d’abord formés à Bordeaux sur la « gamification des pratiques de médiation » avec Cap Sciences et Sites et Citées Remarquables, au sein d’un musée qui avait créé une exposition avec un immense Escape Game intégré. Puis durant le trajet retour entre Bordeaux et Parthenay, autant dire que les 4 hémisphères se sont branchés dans la voiture. Et puis généralement les idées les plus simples et celles qui fusent dans l’instant sont les meilleures. Nous avons donc retenu l’idée de l’Escape et nous nous sommes lancés.

    Ensuite nous avons travaillé en projet de service : nous avons couché l’idée en associant les quatre membres de l’équipe Patrimoine, en allant de « c’est génial » à « comment c’est faisable », « ça ne coûterait pas cher », « ça peut être sympa » et « ça nous démarquerait bien », à enfin « Go et qui veut s’y coller ? ».

    Du coup c’est un Escape qui a vraiment été créé de toutes pièces au niveau de la Communauté de communes Parthenay-Gâtine en transversalité avec différents services. C’est la raison pour laquelle on a sollicité, forcément, le service communication et aussi le service des jeux. J’avais sollicité du reste Victor Toulouse (Service Jeux) qui avait pu donner un premier avis pour voir si je m’égarais ou s’il pouvait me confirmer que l’idée était bonne. Et puis après c’est avec mes autres collègues Émilie Biraud et Benoît Girard que nous avons bossés à trois personnes sur la charte graphique, sur les scénarios, sur les énigmes, sur toute l’articulation, etc. L’idée initiale était que j’organise tout ce travail de fond en bon chef d’orchestre et en parfaite symbiose avec les différents services.

    Depuis combien de temps planchez-vous sur ce projet d’Escape Game ?

    Il a fallu 6 mois. L’idée elle te vient au mois de février-mars, puis tu te dis « c’est bien on la garde dans un coin de notre tête », puis on part sur autre chose, et puis à la fin de la saison au mois d’octobre-novembre tu te dis « c’est parti pour juillet prochain ». Donc le projet et son travail de fond s’est étalé concrètement d’octobre 2018 jusqu’à juillet 2019, du travail des énigmes en passant par la création des premiers prototypes, les nombreux tests, l’implantation, la communication, jusqu’à l’ouverture aux premiers joueurs sur le FLIP.

    Nous avons terminé réellement la mise en place de l’Escape un quart d’heure avant son ouverture ! [rires] Entre la création et l’installation du matériel, nous avons eu quelques soucis de délais sur certaines commandes matérielles très spécifiques et il a fallu nous adapter en urgence.

    Quel intérêt ce concept présente-il ?

    Jusqu’à présent nous avions des familles, des anciens, du randonneur, nous avions une pluralité de publics. Mais le public cible du FLIP nous avions du mal à le capter. D’autant plus que le quartier historique de Saint-Jacques est un petit peu excentré par rapport aux principales animations qui sont organisées dans le cadre du FLIP. Donc c’est quand même bête d’avoir plus de 180 000 personnes qui viennent sur 12 jours à Parthenay et de ne pas avoir cette possibilité d’en capter ne serait-ce que 0,001%.

    Donc l’idée c’était vraiment de faire venir à nous tous ces publics, qui en plus étaient en demande. Si l’idée a été de développer un Escape, c’est bien parce que derrière, sans avoir fait d’étude de marché… nous savions qu’il y avait vraiment ce besoin puisque ce type d’animations étaient déjà proposées sur le Festival des Jeux depuis plusieurs étés.

    Du coup le pari est réussi puisque les gens étaient contents. Ils ont tout de suite compris qu’ils n’étaient pas sur un Escape standard, que nous n’étions pas une boîte privée. Et ils ont adoré le lieu (Tour de la Poudrière du Château de Parthenay) qui procure un effet waouh. Au-delà de la transmission de connaissances historiques, nos joueurs ont vu que sur Parthenay il y a du Patrimoine, de la vieille pierre, et aussi du Jeu. Ce projet est vraiment une super passerelle entre les publics, notre territoire et nos métiers.

    Sur environ 40 créneaux de jeu, les 200 joueurs qui sont venus nous ont tous dit avoir passé un super moment. Nous avons vraiment eu de tout, des grands-parents, des petits enfants, des fous furieux, et notamment des publics qui ne seraient pas forcément venus.

    Est-ce que les enfants peuvent participer ? Il y avait un âge minimum ?

    Oui en effet mais seulement à partir de 12 ans.

    Quand nous avons construit le projet, nous avions en tête la philosophie de l’un de nos formateurs sur le sujet : c’est du jeu, donc il faut que des gens gagnent, que certains gagnent et que la plupart perdent. Et nous avons conservé cet esprit de compétition, d’émulation, pour ne pas proposer quelque chose qui soit trop infantilisant à l’attention des adultes, tout en ouvrant la possibilité de participer aux enfants.

    Donc avant même la réflexion sur le scénario, nous avions à cœur de savoir à qui on s’adresse. Nous aurions pu faire le choix de nous intéresser aux 4- 12 ans mais ce n’était pas notre souhait. Nous avons donc privilégié un accès à partir de 12 ans pour des équipes entre 3 et 6 joueurs, avec un ratio de 20% de réussite.

    Auriez-vous une anecdote à nous raconter concernant vos joueurs ?

    Nous avons commencé a organiser cette animation sans avoir réellement l’expérience de ce qu’est un Escape Game, sans savoir comment ça se passe. Nous avions donc de réelles inconnues : comment les participants allaient investir le lieu, comment ils allaient jouer.

    Et nous nous sommes aperçus au fur et à mesure que les équipes qui gagnaient le mieux c’étaient celles qui discutaient. « De l’échange naît la vérité » comme dit le philosophe.

    Et une fois, dans les derniers jours du FLIP, nous avons accueilli un groupe d’un silence incroyable : un silence de cathédrale… Nous ne les entendions pas autrement que par les objets qu’ils manipulaient, leurs fouilles, etc.

    Intrigué je suis allé épier en tant que maître du jeu, et en fait il s’agissait de deux couples avec deux entendants et deux sourds muets. Ils discutaient par signe. Ça gesticulait dans tous les sens. Ils m’ont scotché tellement ils communiquaient bien tous ensemble.

    Et ils sont partis avec le trésor ! Non seulement ils étaient géniaux mais ils font aussi parmi des plus forts à avoir résolu les énigmes le plus rapidement.

    Alors qu’à contrario nous avons pu observer une équipe se présentant comme des gros joueurs avec 80 escapes au compteur et pourtant qui bloquait face à des énigmes très légères, ou encore des profs de maths qui ne pensaient pas utiliser la règle de trois pour résoudre leur énigme.

    L’escape Trésor à Double tour se déroule dans la Tour de la Poudrière du château de Parthenay ? Songez-vous à terme à développer votre projet sur d’autres territoires ?

    Ce produit-là : non. Par contre l’Escape n’est que la partie immergée de tout un processus qu’on a enclenché au niveau du service Patrimoine. Nous essayons de plus en plus de ludifier les activités. Le jeu est aussi un secteur culturel qui est en plein essor, et qui offre plein de nouvelles conceptions de ce que nous pouvons faire en termes de pédagogie, d’approches par le jeu, de serious game, de team building…

    Nous avons inauguré cette réflexion pour essayer d’adapter nos pratiques de médiation patrimoniale en y intégrant de plus en plus de jeux ou à défaut de plus en plus d’interactions. Donc on ludifie, et ce n’est pas du jeu pour du jeu mais bien un média qui nous permet d’entrer en communication avec nos publics.

    Donc l’Escape c’est un produit. Et sur le Centre d’Interprétation du Pays d’Art et d’Histoire, nous sommes en train de créer une exposition : « le vitrail, l’art de la couleur ». Elle sera inaugurée au 1er avril prochain (2021) avec plus de jeux. Notamment des livrets jeux pour qu’un petit enfant puisse s’amuser en découvrant l’exposition. Peut-être qu’un Escape sera aussi proposé à terme sur l’exposition pour compléter notre offre.

    Nous développons tout un tas de produits avec des mécaniques de jeux, aussi bien sur le volet des animations pédagogiques, que sur les expositions, sur les randonnées avec des quizzs, des jeux de questions réponses simples mais efficaces.

    Le public demande davantage à être actif dans ses apprentissages, dans ses vacances. Il ne veut plus rester passifs. Il souhaite du lien, de l’interaction. Or le jeu est clairement le bon vecteur pour faire passer nos messages auprès d’une pluralité de publics.

    En plus, l’avantage du jeu c’est que les gens sont obligés de se débarrasser de leur appareil photo pour se créer des souvenirs. Et ça, ça fait du bien ! [rires]

    Comment faire pour jouer avec vous ? Et pour vous soutenir ?

    Tout le monde peut nous suivre sur notre page Facebook – Pays d’Art et d’Histoire de Parthenay Gâtine. Nous y proposons régulièrement des petites énigmes, des nouvelles, des infos sur nos projets, nos animations.

    Et physiquement tous les Offices de Tourisme du territoire de Parthenay-Gâtine vous proposent nos livres-jeux. Par ce biais, toute l’année vous avez accès à des activités ludiques autonomes de découverte de nos territoires.

    Si le contexte s’améliore, est-ce que vous pensez proposer à nouveau l’Escape de la Poudrière l’été prochain ou bien d’autres activités estivales ?

    Cette année nous avons l’idée de reproposer quelque chose public. Tout le monde est complètement frustré par l’année qui vient de s’écouler. Et comme nous avons nous aussi pris le choc en pleine poire, nous avons préféré jouer la sécurité la saison dernière en ne sachant pas comment allait réagir le public. Maintenant que nous connaissons mieux les réactions et les comportements des publics nous serons peut-être plus en mesure de les prévoir et de reproposer un Escape cet été, sans doute de manière plus élargie.

    Nous allons aussi proposer des visites sensorielles. Depuis 2016, ce format fait ses preuves et permet de très belles interactions avec le public. Certes ce n’est pas dans le titre qu’on peut mesurer l’aspect ludique puisqu’il ne s’agit pas spécialement d’un jeu avec des récompenses, des gagnants ou des perdants. Toutefois avec ce nouveau mode de visite, nous avons dynamisé des visites classiques en leur associant une dimension plus sensorielle (toucher, goûter, humer, reconnaitre des arômes, etc.), plus immersive, où les publics sont acteurs des animations proposées.

    Quel est votre monument coup de cœur en Gâtine et que vous recommandez aux festivaliers du FLIP ?

    Je vais en donner deux : un sur Parthenay et un autre à l’extérieur. D’abord l’église Saint-Pierre de Parthenay-le-Vieux, parce que c’est à l’extérieur de la ville, parce que c’est beau, et parce que de temps en temps les pierres dégagent quelque chose, ça transpire.

    Après en dehors de Parthenay j’adore la petite église de Adilly. Elle n’est pas fantastique mais il y a un vitrail à l’intérieur avec des représentations monuments de Rome. On y voit la coupole de la basilique Saint-Pierre, d’autres édifices comme la colonne Trajane, que des monuments que l’on retrouve à Rome. Tout simplement parce que l’église s’appelle l’église Saint-Pierre. Et je l’ai découvert il y a à peine un an et demi. Comme quoi on n’est pas prophète en son pays [rires]. Je me suis rendu sur place et sur le moment je me suis dit « mais qu’est-ce que ça fait ici ? ». Je trouvais ça suffisamment cocasse, baroque, surprenant, dissonant, pour me dire que c’est sacrément intéressant à découvrir. Et puis la campagne autour est super sympa, ainsi que le petit village, l’église et belle, la route est bien, les petites communes alentour sont tout aussi agréables avec des petits commerces et des petits artisans.

    Merci Vincent

    Etienne Delorme – Chronique #JeuTravaille – 02/02/2021